Empruntant tout à la fois au vaudeville, à la satire sociale, et à la tragédie shakespearienne, Berkoff, en privilégiant la théâtralité plutôt que la démonstration, écrit avec Décadence une pièce politique drôle, féroce, sensuelle et absolument réjouissante.

A travers le récit de la lutte de deux couples pour l'amour, l'argent et le pouvoir, il s'attaque aux interdits de la société en entraînant ses personnages avec une joyeuse énergie et un sens aigu de la provocation dans une suite de transgressions tramées dans la vengeance, le meurtre et le sexe. Berkoff joue avec la limite ; il la déplace et la fait reculer jusqu'au point où l'équilibre entre les exigences  du désir individuel et de l'ordre social menace de rompre et laisse apparaître la violence et l’hypocrisie de l'édifice social.  Tout le dispositif d'inégalité, d'exploitation, de hiérarchie et de répression de la société est pris d'assaut, bouleversé, renversé, par une langue d'une extraordinaire liberté qui s'autorise toutes les transgressions.

Mélange baroque d'argot, de langage ordurier et de pure poésie, la langue de Berkoff explose d'érotisme, de cruauté et de lyrisme. Plus qu'une simple provocation, cette langue rageuse fiche joyeusement en l'air nos préjugés et nous communique l'énergie pour lutter contre de tout ce qui dans nos vies cède à la morale, à la norme et à l'hypocrisie, contre tout ce qui renonce, se résigne et n'est pas volonté de vivre.

Gilles Martin, juillet 2002.

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